Nouvelles formes de gouvernance : utopie ou nécessité ?

Par Cécile Chassefeire,

avocate spécialiste en droit des associations et des fondations

En plus de nos casquettes d’avocates, avec Adeline, nous intervenons dans la formation des dirigeants d’association au sein de l’Association pour Le Développement du Management Associatif Adema qui propose le Certificat management des associations avec Mines Paris Executive Education.

La cérémonie annuelle de remise des diplômes est l’occasion de grands débats : en 2024, le thème choisi était « Nouvelles formes de gouvernance : utopie ou nécessité ? »

Qu’entend-t-on par nouvelles formes de gouvernance ?

Rappelons que la gouvernance désigne la manière dont le pouvoir est structuré et exercé au sein d’une organisation.

Dans les associations, il est classique que la gouvernance associative soit pyramidale, avec une assemblée générale regroupant les membres ou adhérents, un conseil d’administration, élu par cette assemblée, qui désigne un bureau avec un.e président.e.

Néanmoins, des acteurs souhaitent intégrer davantage d’horizontalité et permettre une participation accrue des bénéficiaires, une meilleure collégialité dans la prise de décision, un partage du pouvoir, une implication plus forte des différentes parties prenantes.

Ce que regroupe l’expression « nouvelles gouvernances » peut correspondre à des pratiques variées : une co-présidence, une gouvernance partagée au sein d’un collectif, une organisation en sociocratie ou holacratie, des modalités de nomination sans élection, des décisions prises par consentement…

C’est une nouvelle organisation du pouvoir qui est mise en place.

Le statut d’association avec la liberté offerte par la loi du 1er juillet 1901 offre la souplesse pour que les acteurs déterminent l’organisation qui leur convient. Cette précieuse liberté permet aux acteurs d’aujourd’hui d’examiner l’opportunité de sortir des sentiers battus et de répondre à leurs aspirations.

Pourquoi se lancer ?

A chaque association, son histoire. Notre conviction est qu’il n’existe pas de modèle idéal applicable à toutes les associations. Une volonté des acteurs est indispensable en laissant du temps pour que chacun puisse entrer dans les processus de changement.

La mise en place d’une nouvelle gouvernance doit s’inscrire dans les valeurs et le projet associatif.

Sa mise en place peut se faire dans des petites structures ou dans des grandes, et parfois même sans changer ses statuts. Par donner un exemple, nous avons accompagné une association reconnue d’utilité publique dans l’intégration de principes de sociocratie dans son fonctionnement, sans toucher à ses statuts, qui restent conformes au modèle du Conseil d’Etat.

C’est sur cette question qu’ont témoigné les dirigeants d’associations présents à la table ronde du 11 juin 2024 et nous vous invitons à lire la synthèse des échanges.

Certains, comme au sein du mouvement Emmaüs, mettent en avant la difficulté à trouver des bénévoles acceptant de prendre des responsabilités.

Chez Hand-AURA, la co-présidence répond au besoin d’équilibre entre les 3 collèges qui constituent fondamentalement l’association.

Chez Les Colibris, cela correspond au souhait de se « doter d’une gouvernance en cohérence avec la société que nous appelons de nos vœux ».

Une gouvernance innovante est encore une démarche osée

En droit, je crois que l’approche des organisations comprend encore une certaine rigidité.

De fait, choisir une telle organisation plus partagée, horizontale ou collaborative, qui ne correspond pas aux représentations les plus communes, comporte une part de risque.

Ainsi, la mise en place d’une forme nouvelle de gouvernance associative est un choix que les acteurs doivent pouvoir expliquer, notamment pour rassurer les tiers.

Au quotidien, il est difficile de trouver des réponses précises, de la jurisprudence, des exemples adaptés à une situation rencontrée dans une gouvernance innovante.

En matière responsabilité pénale et de délégation de pouvoirs, les juges retiennent que le chef d’entreprise ne peut déléguer ses pouvoirs à plusieurs personnes pour l’exécution d’un même travail, un tel cumul étant, par lui-même, de nature à restreindre l’autorité et à entraver l’initiative de chacun des prétendus délégataires (Cass Crim 12 décembre 2006 n°05-87.125).

La référence juridique reste à bien des égards la promotion d’une ligne hiérarchique ou de pouvoir simple passant par une seule personne.

Pourtant, ces éléments ne constituent pas des obstacles insurmontables, notamment pour ceux qui se donnent du temps.

Comme l’a dit Mme Coralie Gaudoux, de MakeSense, lors de la table ronde, « plutôt que de vouloir tout changer instantanément (…), je recommande de procéder à des tests de partage du pouvoir sur des périmètres limités de l’organisation par exemple au sein d’une équipe ou du comité de direction. »

Points de vigilance pour la mise en œuvre d’une gouvernance innovante

Formaliser clairement par écrit les principes de fonctionnement de la forme de gouvernance souhaitée 

Comme pour toute association, les statuts présentent les grandes règles sur le mode d’organisation, la gouvernance de l’association, la composition des instances, les missions principales, la durée des mandats.

La rédaction des statuts doit être adaptée à ce qui est souhaité et elle doit permettre de gérer une situation de crise en évitant les blocages.

C’est quand l’ambiance est au beau fixe, que la confiance existe entre les personnes qu’il convient d’envisager le cas des conflits et les règles permettant de les gérer, d’avoir des portes de sorties.

Cela peut notamment se traduire par le fait de prévoir la possibilité de convoquer une assemblée générale par une minorité d’administrateurs ou un minimum de membres, en particulier pour désigner un nouveau collectif d’administrateurs ou pour décider de l’avenir de l’association.

Figer un mode de gouvernance (partagée ou classique) dans les statuts peut être un choix pertinent à un moment et s’avérer inadapté un peu plus tard.

Pour faciliter les passages d’un système à l’autre, permettant une meilleure adaptation aux profils des dirigeants en place, une des solutions que je trouve pertinente est de pouvoir inscrire dans les statuts la possibilité pour les acteurs de choisir explicitement leur mode de gouvernance, le fonctionnement de l’instance dans laquelle ils siègent, pour la durée de leur mandat.

Une telle option peut être inscrite dans les statuts.

C’est ce vers quoi s’oriente une fédération d’associations pour les statuts types à proposer aux associations de son réseau et nous les accompagnons pour la rédaction des dispositions statutaires.

Le juste équilibre entre ce qui est écrit dans les statuts et les marges de manœuvre laissées pour l’application des dispositions est à trouver selon les particularités du réseau ou de l’association.

Il est vain de penser pouvoir tout écrire et tout prévoir.

Il est alors possible d’inclure dans les statuts une méthode, une démarche permettant de gérer une difficulté : par exemple, on peut explicitement indiquer l’obligation d’engager une démarche de règlement amiable de type médiation (avec un tiers, formé, qui est neutre, indépendant).

Disposer d’autres outils que les statuts pour le fonctionnement au quotidien

Pour le quotidien, hors des statuts, nous recommandons que l’association dispose d’un outil de référence interne sur le « qui fait quoi » et de prendre le temps d’un dialogue sur ce document, ainsi que des temps de bilan/restitution en vue de rendre compte et d’améliorer l’organisation au fil des évolutions des besoins.

Privilégier un modèle de gouvernance sur mesure

Ni utopie, ni nécessité, les nouvelles gouvernances offrent aux associations des opportunités pour la réussite de leurs missions. Il n’existe pas de modèle unique de gouvernance, ni de recette garantissant le succès.

Chaque association doit définir la sienne, en allant chercher de l’inspiration ailleurs mais aussi et surtout en l’adaptant à sa propre histoire et aux personnes participant au projet.

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Vous souhaitez être accompagnés dans la mise en place d’une nouvelle forme de gouvernance au sein d’une association ou pour tout complément d’information, écrivez-nous par e-mail.

 

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