En cette période de tensions extrêmes, il est plus que nécessaire selon nous de vous présenter comment résoudre à l’amiable les conflits que vous rencontrez ou pourriez rencontrer dans votre association.
En tant qu’avocates, nous sommes fréquemment sollicitées par des membres ou dirigeants d’association afin de les aider à résoudre des conflits. Un conflit peut surgir même dans une relation qui se déroulait jusqu’ici sans encombre.
Les situations conflictuelles les plus fréquentes
- Vous êtes dirigeants d’une association et vous ne vous entendez plus : les tensions en viennent à bloquer toute prise de décision par le conseil d’administration et cela se répercute même sur l’ensemble des relations humaines dans l’association ;
- Plusieurs membres contestent les décisions prises par la dernière assemblée générale et veulent les faire annuler
- Un membre toxique a été exclu et entend contester son exclusion et demander sa réintégration
- Ou encore, un salarié de l’association réclame le paiement d’heures supplémentaires et invoque une situation de harcèlement moral
- …
- Les conflits peuvent également naitre dans vos relations avec des tiers et par exemple :
- avec un prestataire de l’association à propos du montant trop élevé de sa dernière facture
- ou avec une autre association partenaire au sujet de l’exécution d’une convention car vous estimez que le partenaire n’a pas respecté ses engagements contractuels.
Comme vous le voyez, les situations conflictuelles sont diverses et variées.
Quoi qu’il en soit, si vous faites face à un tel conflit au sein de votre association, vous avez deux solutions qui s’offrent à vous :
- ouvrir la voie contentieuse et donc saisir la justice
ou
- tenter de régler le litige à l’amiable.
Avant de saisir la Justice, vous avez tout intérêt à envisager, au préalable, de régler le conflit à l’amiable.
Au-delà de nos obligations déontologiques qui nous imposent, en tant qu’avocates, de proposer à nos clients les voies amiables, nous vous expliquons pourquoi et comment le règlement amiable des litiges est selon nous la solution à privilégier pour les associations.
Pourquoi est-il préférable d’éviter le contentieux judiciaire ?
En France, demander justice signifie encore pour la plupart des personnes d’avoir recours à l’institution judiciaire.
Pourtant, dans bien des cas, personne ne sort vraiment gagnant dans un procès :
- les délais sont souvent très longs avant d’obtenir une décision de justice, sous réserve qu’aucune des parties n’interjette appel
- du fait de l’aléa judiciaire, il n’y a aucune certitude quant à l’issue du procès, quand bien même les dirigeants de l’association seraient sûrs de la solidité de leur dossier
- chaque partie doit payer ses frais d’avocats, lesquels sont rarement pris en charge en totalité par la partie « perdante », grâce à la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile
- la partie dite « perdante » se voit souvent condamnée au paiement de sommes diverses (dommages et intérêts, article 700 du CPC susmentionné, dépens, dont les frais de commissaires de justice…).
Et si vous n’êtes pas encore convaincus, l’expérience démontre qu’à l’issue du procès, la partie à qui le juge a donné satisfaction n’est pas toujours pleinement satisfaite ; en effet, le procès ne résout pas toujours le conflit entre les parties, qui va souvent au-delà du litige soumis au juge.
D’ailleurs, le législateur l’a bien compris puisque le recours à un mode de règlement amiable du litige est de plus en plus obligatoire et encouragé comme préalable ou alternative à la saisine du juge.
Pourquoi privilégier la voie amiable ?
En faisant le parallèle avec les inconvénients du procès judiciaire, à l’inverse, le règlement amiable a des atouts non négligeables et en particulier :
- Vous en maitrisez davantage les délais ; dans le cadre d’un mode amiable, ce sont les parties qui sont maitres du calendrier ;
- Cela va beaucoup plus vite : alors que les décisions de justice peuvent mettre des années à être prononcées, vous pouvez trouver un accord en quelques jours, semaine ou mois au plus et donc gagner un temps précieux que vous pouvez alors utiliser pour d’autres affaires.
- Vous n’êtes pas soumis à l’aléa judiciaire, qui ne permet pas de connaitre par avance la partie gagnante dans un procès puisque la décision revient à un ou plusieurs magistrats qui n’auront peut-être pas la même approche que vous du dossier.
- Cela peut vous permettre de réduire vos frais d’avocats, du fait d’une procédure plus rapide. En effet, bien souvent, vous préserverez au mieux vos intérêts en étant accompagné de votre avocat durant cette phase amiable.
- Vous réduisez également vos frais de justice, en particulier de condamnation au paiement de sommes diverses (dommages et intérêts, article 700 du CPC,…) si vous êtes déclarés « perdants » du procès.
- Vous pouvez sortir du conflit de manière plus sereine avec le sentiment d’être parvenu à un accord ou tout le monde est gagnant et en ayant parfois résolu le conflit au-delà du litige qui était ou allait être soumis au juge.
Vous êtes maintenant convaincus de l’intérêt de régler un litige à l’amiable ?
Voyons maintenant quels sont les différents modes de règlement amiable qui s’offrent à vous.
Les différences entre certains modes n’étant pas évidentes pour les néophytes, nous avons synthétisé et clarifié tout cela pour vous.
Les principaux Modes de Règlement Amiable des Différents (MARD)
Il est possible de régler son litige à l’amiable avec ou sans l’aide d’un tiers.
Les 3 principaux Modes de Règlement Amiable des Différents (MARD) sont les suivants :
Le règlement amiable sans le recours à un tiers | Le règlement amiable avec le recours à un tiers | |
La négociation à l’amiable entre les parties La négociation consiste, pour les parties au litige, à négocier un accord sans avoir à saisir le juge ou sans attendre la décision de justice. |
La conciliation Il s’agit pour les parties de faire appel à un conciliateur de justice. C’est un professionnel, qui peut être saisi par toute personne, sans formalité particulière. La conciliation peut intervenir soit avant toute saisine d’un juge, soit au cours d’un procès. Le rôle du conciliateur de justice est d’aider les parties au litige à trouver un accord total ou partiel en leur proposant des solutions. Le recours à un conciliateur est gratuit à la différence du recours à un médiateur par exemple. Pour en savoir plus : Qu’est-ce que la conciliation de justice ? (mai 2021) – CONCILIATEURS DE FRANCE |
La médiation La médiation est un processus structuré par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leur différends, avec l’aide d’un tiers[3]. Le médiateur est là pour aider les médiés à communiquer et pouvoir trouver entre elle la solution à leur conflit. A la différence du conciliateur, le médiateur est là pour permettre aux médiés de communiquer entre eux mais il n’est pas là pour leur proposer une solution. Ce sont les médiés eux-mêmes qui doivent parvenir à trouver la solution à leur conflit. La médiation peut être conventionnelle, quand elle est engagée en dehors de toute action contentieuse, ou judiciaire, lorsqu’elle est proposée par un juge. Le recours à un médiateur est payant ; souvent ses honoraires sont partagés entre les médiés sauf accord différent entre eux. |
Ces 3 modes peuvent être mis en œuvre avec ou sans les conseils d’un avocat, mais vous avez tout intérêt à être accompagné par votre avocat.
L’intérêt de négocier à l’amiable avec l’aide de son avocat
Si un accord peut être négocié et conclu directement entre les parties, il est bien souvent recommandé de négocier par l’intermédiaire d’un avocat.
Ce dernier pourra en effet discuter avec son confrère adverse, de manière confidentielle, jusqu’à l’aboutissement de l’accord ; tous les sujets évoqués à titre confidentiel entre les avocats ne pourront pas être ensuite utilisés en justice si l’accord n’aboutit pas.
Cela permet de discuter avec la partie adverse de manière sereine, en jouant cartes sur table, sans craindre que les pièces, documents ou éléments transmis soient utilisés lors d’un procès par la suite.
Et surtout, si les avocats sont, comme c’est le cas chez Camino Avocats, formés aux modes de règlement amiables des litiges, ils pourront pratiquer la négociation raisonnée, afin de chercher un accord gagnant/gagnant.
La négociation raisonnée se distingue de la négociation traditionnelle en ce qu’elle invite les parties à mettre cartes sur table et à ne pas user de tactiques tel que le mensonge, le chantage où autres méthodes de négociation traditionnelle qui aboutissent rarement à un accord satisfaisant pour les 2 parties.
L’intérêt d’être assisté par un avocat dans le cadre d’une conciliation ou d’une médiation
Durant une procédure de conciliation ou de médiation, votre avocat vous conseillera à chaque étape, répondra à vos questions, éclairera vos doutes, et vous pourrez ainsi vous reposez sur lui pour vous aider à avancer.
Il sera également l’interlocuteur du conciliateur ou du médiateur ainsi que celui de l’autre partie.
S’il est, comme notre cabinet, sensibilisé et formé aux modes de règlement amiable il s’avérera un acteur majeur de la procédure sur qui vous saurez pouvoir compter.
Procédure participative vs Processus collaboratif : de quoi s’agit-il ?
Ce sont 2 processus réglementés qui constituent eux aussi des MARD mais qui nécessitent le recours à un avocat pour assister chacune des parties :
La procédure participative | Le processus collaboratif |
C’est une procédure judiciaire régie par le code civil dans laquelle les parties s’engagent par convention et sur une durée déterminée[1] à œuvrer conjointement et de bonne foi : – Soit à la résolution amiable de leur différend (avant la saisine d’un juge) – Soit à la mise en état de leur litige déjà soumis au juge (la procédure interrompt alors le contentieux en cours) A l’issue du temps imparti, soit les parties ont trouvé un accord, soit, en cas d’échec des négociations, la partie qui le souhaite peut à nouveau saisir le juge. |
C’est un processus qui permet aux parties de prévoir contractuellement les termes de la négociations [2]. Ce processus ne peut être mis en place que si un avocat au moins est formé au processus collaboratif car il faut que chaque partie, avec son avocat, signe un contrat de participation au processus collaboratif, qui suppose ensuite de respecter les 5 étapes du processus : – Expression par chaque partie du ressenti de la situation – Recherche et expression des intérêts, besoins, préoccupations, valeurs – Collecte de toutes les informations et partage de celles-ci avec toutes les parties – Hypothèses ou options qui répondent aux questions posées par la situation – Formulation de 3 offres de règlement global du litige. |
Notre cabinet peut vous accompagner dans de tels processus : nous avons récemment été sollicités pour accompagner une association en litige avec un ancien dirigeant dans le cadre d’une procédure participative : une convention de procédure participative a été négociée et signée avec l’avocat de l’ancien dirigeant pour organiser la négociation en vue de rechercher un accord amiable. A l’heure où nous écrivons ces lignes, un accord transactionnel est sur le point d’être conclu.
Quel mode de règlement amiable choisir ?
En fonction du type de litige et des parties au litige, il conviendra de choisir le mode de règlement amiable le plus adapté.
Si une action en justice a déjà été engagée, cela peut être le juge saisi du litige qui propose un mode amiable : il proposera le plus souvent une conciliation ou une médiation.
En dehors de toute action judiciaire, ce sont aux parties de trouver le mode qui leur conviendra le mieux :
- Si votre critère principal est la gratuité du processus, vous pourrez vous tourner vers un conciliateur
- Si l’objectif est de vous aider à retrouver une communication avec l’autre partie pour trouver une solution ensemble, alors il conviendra de privilégier la médiation
Si vous êtes assistés d’un avocat, ce dernier aura peut-être des recommandations à vous faire compte tenu de la nature du litige et de sa connaissance du dossier, afin de vous aider à privilégier tel ou tel mode de règlement amiable.
Lorsque chaque partie est accompagnée d’un avocat sensibilisé aux modes amiables, les avocats pourront s’entendre pour vous proposer le mode amiable qu’ils estimeront le plus adapté.
La loi impose de plus en plus le règlement amiable préalablement à toute saisine du juge
Depuis 2015, lorsqu’une partie saisi la justice, elle doit préciser les actions entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
Mais le législateur a été plus loin depuis. En effet !
En dessous de 5000€ de litige, la voie amiable est désormais obligatoire !
- Depuis 2020 la loi prévoit l’obligation de tentative de règlement amiable préalablement à toute action en justice dans certains contentieux (bornages, troubles de voisinages…)
- Depuis le 1er octobre 2023, sauf motif légitime tel que l’urgence manifeste ou l’indisponibilité du conciliateur par exemple, la tentative de résolution amiable est obligatoire, avant toute action en justice relative au paiement d’une somme n’excédant pas 5000,00 €[4].
Pour les litiges concernés, la partie qui veut intenter une action en justice devra pouvoir prouver avoir tenté une démarche amiable : conciliation, médiation ou procédure participative.
Les associations peuvent être concernées par l’obligation de tentative de règlement amiable et notamment les actions en justice relatives au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 €.
Cela peut en effet concerner les actions en contestation de la régularité des décisions prises par les instances statutaires et également les litiges avec les membres.
Attention : à défaut de pouvoir justifier avoir effectué la démarche, la demande en justice pourra être déclarée irrecevable.
L’audience de règlement amiable : une tentative amiable qui va être orchestrée par un magistrat
Introduite par un décret du 29 juillet 2023[5], l’audience de règlement amiable permet au juge saisi d’un litige, à la demande des parties ou de lui-même, de convoquer les parties devant un magistrat dédié. Cette audience de règlement amiable doit permettre la confrontation équilibrée du point de vue des parties, l’évaluation de leurs besoins positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige avec, pour finalité, la résolution amiable du différend.
A l’issue, les parties peuvent demander au juge de constater leur accord partiel ou total. A défaut d’accord, les parties retournent devant le juge initialement saisi de l’affaire.
Ce nouveau mode amiable est différent des modes présentés plus haut dans la mesure où c’est un juge qui est chargé d’utiliser les techniques de la conciliation et de la médiation, pour aider les parties à trouver une issue amiable à leur litige.
Et si vous envisagiez la rédaction d’une clause de règlement amiable dans vos contrats associatifs ?
Sans attendre d’être soumis à la contrainte légale, une association peut choisir d’insérer, dans ses contrats, une clause imposant le recours à un mode de règlement amiable des litiges relatifs audit contrat.
Une telle clause peut être prévue dans tous les types de contrats (partenariat, mécénat, prestations de service, vente de bien,…) y compris dans le contrat d’association autrement dit, dans les statuts de l’association. Cette clause devra être adaptée à vos besoins et donc établie sur mesure.
Nous avons récemment recommandé l’insertion d’une telle clause de médiation à une association dans ses statuts. Cette association rencontraient de nombreuses difficultés dans ses relations avec ses membres. A l’occasion de la réforme de ses statuts pour laquelle nous avions été sollicités, nous leur avons proposé d’insérer une clause de médiation qui impose contractuellement à l’association et à ses membres de recourir à un médiateur diplômé avant de saisir la justice d’un litige relatif à l’exécution des statuts de l’association. Cette clause est en parfaite adéquation avec l’esprit des dirigeants de l’association et évitera ainsi la saisine directe d’un juge en cas de conflit dans l’exécution du contrat d’association.
Besoin d’aide ?
Vous pouvez nous contacter notamment à l’occasion d’une réforme de vos statuts ou de la rédaction de vos contrats pour que nous vous aidions à trouver la clause de médiation ou de règlement amiable appropriée à votre situation.
Si vous avez besoin de complément d’information ou d’être assisté par un avocat, écrivez-nous par e-mail
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Références
[1] Articles 2062 et suivants du code de procédure civile : Titre XVII : De la convention de procédure participative (Articles 2062 à 2068) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
[2] Pour un comparatif des différends MARD : Avomards | modes alternatifs
[3] Article 1530 du code de procédure civile : Titre Ier : La médiation et la conciliation conventionnelles (Articles 1530 à 1541) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
[4] Article 750-1 du code de procédure civile : Article 750-1 – Code de procédure civile – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
[5] Articles 774-1 et suivants du code de procédure civile: Chapitre IV : L’audience de règlement amiable (Articles 774-1 à 774-4) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)