Pourquoi mettre en place une délégation de pouvoirs ?
La délégation de pouvoirs peut être très utile dans une association pour :
- responsabiliser les acteurs au sein de l’association
- transférer les responsabilités sans les diluer
- assurer si besoin la continuité du pouvoir
- changer les comportements – d’autant plus si chacun examine avec attention les conditions de la délégation de pouvoirs
A titre d’exemples :
- La gestion de l’association devant être bénévole, la personne qui occupe une fonction avec des responsabilités peut ne pas pouvoir tout gérer toute seule et peut avoir besoin de déléguer certains de ses pouvoirs
- une délégation de pouvoir peut permettre à un dirigeant bénévole de transférer la responsabilité pénale relative à l’exercice de certains pouvoirs à un directeur salarié, notamment s’agissant de la fonction employeur
- une délégation de pouvoirs constitue un acte de saine gestion : il est cohérent de donner un pouvoir de décision à celui qui, effectivement, gère et doit pouvoir prendre lui même les décisions pour faire avancer les projets.
- Le dirigeant bénévole peut avoir une vie de famille, une activité professionnelle ou être un retraité très occupé et il ne peut alors consacrer qu’un temps limité à l’exercice de ses fonctions de dirigeant bénévole. Lorsqu’il existe une équipe salariée avec un directeur, embauché spécifique pour gérer l’association au quotidien, il est souvent pertinent pour le dirigeant bénévole de déléguer les pouvoirs de direction au quotidien au directeur.
Mais attention, une délégation de pouvoirs ne doit pas pour autant traduire une « fuite en avant » du dirigeant bénévole, qui pourrait – à tort – s’estimer déchargé de toutes ses responsabilités. En effet, le délégataire, qui reçoit la délégation, demeure placé sous la surveillance du déléguant, à savoir celui qui délègue le pouvoir dont il est titulaire.
Dans le cas d’un président qui a délégué une partie de ses pouvoirs au directeur salarié de l’association, ce dernier doit rendre compte de ses missions et des décisions prises en exécution de la délégation de pouvoirs au président, au bureau ou au conseil d’administration.
De son côté, le président ne doit pas nécessairement attendre que le directeur lui rende compte de ses missions : il doit aussi être proactif pour veiller à la bonne gestion de l’association en exécution des pouvoirs délégués.
Le président ne peut pas déléguer l’intégralité de ses pouvoirs.
A titre d’exemple, si cela est prévu ainsi dans les statuts, le président reste le représentant légal de l’association. Le directeur salarié peut avoir le pouvoir de représenter l’association auprès de partenaires – en rendant compte au président – sans jamais que la qualité de représentant légal du président soit « transférée ».
Qu’est-ce qu’une délégation de pouvoirs ?
Définition légale de la délégation
En droit civil, depuis le 1er octobre 2016, la délégation est définie à l’article 1336 du code civil, comme une « opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur. Le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire ».
Le code civil définit la délégation au sens large mais ne précise pas les critères permettant de caractériser une délégation de pouvoirs, notamment pour lui donner l’effet en matière pénale, autrement dit, pour qu’elle emporte transfert de la responsabilité pénale afférente aux pouvoirs délégués.
La réunion des conditions de cette dernière est donc soumise au pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, qui seraient saisis par exemple d’une situation où la responsabilité pénale attachée à la fonction employeur pourrait être engagée.
Cas pratique : accident de travail et mise en danger de la vie d’autrui
Dans le cas d’un accident grave survenu à un salarié de l’association, si l’employeur est considéré comme ayant manqué à ses obligations légales ou réglementaires, la personne qui exerce la fonction employeur au sein de l’association (celui qui joue le rôle de « chef d’entreprise ») pourrait être poursuivi pénalement pour mise en danger de la vie d’autrui.
Il s’agit heureusement d’une situation très rare mais le risque zéro n’existant pas, dans ce cas, peut se poser la question de qui est la personne physique responsable : le président en tant que représentant légal ou le directeur salarié qui exerçait effectivement une autorité sur le personnel ?
Si les critères permettant de reconnaitre l’existence d’une délégation de pouvoirs sont établis, c’est le directeur qui pourrait voir sa responsabilité pénale engagée et non le président qui, dans les faits, n’exerçait pas la fonction employeur.
Définition jurisprudentielle de la délégation de pouvoirs
La délégation de pouvoirs est un des moyens, consacré par la jurisprudence, permettant au dirigeant bénévole de s’exonérer de sa responsabilité pénale en rapportant la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne réellement pourvue des compétences, de l’autorité et des moyens nécessaires.
Les critères et conditions précisés ci-dessous ont donc pour effet de permettre à la délégation de pouvoirs d’emporter transfert de la responsabilité en matière pénale attachée aux pouvoirs délégués.
Sur le plan civil, que la personne soit un dirigeant, un bénévole ou un salarié, avec ou sans délégation de pouvoirs, c’est avant tout l’association qui sera responsable civilement des dommages qui sont causés par le délégataire dans le cadre de l’exécution de ses pouvoirs.
Cela étant, la périmètre de la délégation permet tout de même de déterminer les fautes contractuelles qui ont pu être commises par le délégataire dans l’exercice de sa mission.
Secteur médico-social : le Document Unique de Délégations (DUD)
La loi n°2002-2 réformant l’action sociale et les Institutions sociales et le décret n° 2007-221 du 19 février 2007 imposent la mise en place de Document Unique de Délégations (DUD) dans les associations gestionnaires d’établissements du secteur médico-social.
Cette obligation est codifiée à l’article D 312-176-5 du Code de l’Action sociale et des familles.
Le document unique de délégations permet ainsi de rendre visible l’organisation des pouvoirs et les responsabilités entre les organes dirigeants et les professionnels chargés de la direction de ces établissements.
Ce document administratif, imposé par la réglementation afférente au secteur d’activité de l’association, n’empêche pas la signature d’une délégation de pouvoirs spécifique entre le président et le directeur en fonction, reprenant le périmètre des pouvoirs délégués au directeur ; cette délégation de pouvoirs, conclue entre les personnes en fonction sera selon nous davantage opposables au président et au directeur si besoin.
Ne pas confondre délégation de pouvoirs & délégation de signature
La délégation de pouvoirs est l’acte par lequel une personne (le délégant) transfère une partie de ses pouvoirs à une personne subordonnée (le délégataire), ce dernier assumant les obligations et les responsabilités liées aux pouvoirs délégués.
Cette délégation de pouvoirs, consentie par le dirigeant en tant qu’organe social et donc pour le compte de l’association, se distingue de la simple délégation de signature, par laquelle une personne confie à une autre le soin de signer un acte pour son compte et en son nom.
Dans le cadre de la délégation de signature, le dirigeant associatif confie à un mandataire le soin de signer pour son compte tel ou tel acte relevant de ses pouvoirs.
Ainsi par exemple, le président ou le trésorier peuvent avoir le pouvoir sur les comptes bancaires de l’association ainsi que pour encaisser et payer, et le directeur peut quant à lui avoir une délégation de signature, auprès de la banque, pour pouvoir signer les chèques. Dans ce cas, les pouvoirs du dirigeant de décider d’engager une dépense ne sont pas transférés. C’est uniquement la capacité à signer le chèque qui est déléguée.
En pratique, si un dirigeant d’association délègue sa signature au directeur général en pensant déléguer le pouvoir de décider et donc transférer la responsabilité pénale pouvant peser sur lui, il pourrait alors tomber de haut le jour où sa responsabilité pénale viendrait à être engagée.
Dans quels domaines pouvez-vous déléguer des pouvoirs ?
La délégation de pouvoirs peut intervenir dans différents domaines, dans tous les cas où la loi n’en dispose pas autrement, et en particulier en matière de :
- Droit du travail (durée du travail, sécurité sociale, tenue des registres du personnel, formalités d’embauche, représentation du personnel).
- Hygiène et sécurité (pour les salariés mais également la sécurité des participants aux activités ou du public pour vos évènements ouverts à tous)
- Gestion des immeubles ou de l’accueil du public
- Gestion des activités soumises à une réglementation spéciale (services à la personne, ouverture d’une buvette, tourisme,…)
Dans chaque cas, ce sont aux parties de déterminer le périmètre de la délégation de pouvoirs.
Et s’agissant d’un directeur, il peut recevoir plusieurs délégations de pouvoirs selon les domaines qui lui sont délégués : une du président pour le pouvoir de représentation et une du trésorier s’agissant de la gestion financière par exemple.
Les conditions de validité d’une délégation de pouvoirs ?
Pour être considérée valable et en particulier emporter transfert de la responsabilité pénale attachée aux pouvoirs délégués, la délégation de pouvoirs doit respecter certaines conditions.
A défaut, si elle n’est pas reconnue comme valable, c’est la responsabilité du délégant qui resterait engagée pour l’exercice des pouvoirs qu’il pensait avoir délégué.
Pour ne pas être remise en cause, la délégation doit être :
- certaine, exempte de toute ambiguïté et précise : il ne faut pas qu’un doute subsiste entre le délégant et le délégataire sur l’existence et le contenu de cette délégation de pouvoirs.
- partielle et limitée : le délégant ne peut pas déléguer l’intégralité de ses pouvoirs et ne peut pas non plus les déléguer de façon permanente. En outre, le délégant conserve en tout état de cause le pouvoir de surveillance ou de contrôle sur son délégataire.
- avec un minimum de durée et de stabilité : la délégation de pouvoirs ne peut pas être donnée et reprise tous les 15 jours. En principe la délégation de pouvoirs du président au directeur vaut le temps que chacun occupe le poste concerné. Toutefois, il est possible de prévoir une délégation de pouvoirs limitée dans le temps, du fait d’une absence temporaire d’un dirigeant par exemple, en veillant à ce que les autres conditions de validité de la délégation de pouvoirs soient bien réunies.
Pour toutes ces raisons, un écrit est indispensable pour être opposable et devra :
- préciser l’objet de la délégation
- être signé du délégataire et du délégant
- et prévoir une éventuelle subdélégation.
Il est en effet possible de prévoir une subdélégation, autrement dit, une délégation de pouvoirs du délégataire lui-même à l’un de ses préposés. La subdélégation peut porter sur tout ou partie des pouvoirs reçus. Elle doit correspondre à un véritable besoin, et doit répondre aux mêmes conditions de fond et de forme que pour la délégation. Ce sera par exemple le cas, si le directeur a besoin de lui-même déléguer une partie de ses pouvoirs à un Responsable des Ressources Humaines pour la gestion du personnel.
Si un dirigeant bénévole délègue son pouvoir au directeur de l’association, nous recommandons de décorréler le contenu de la délégation de pouvoirs du contrat de travail écrit: en effet, le contrat de travail est entre l’association employeuse et le salarié, alors que la délégation de pouvoirs est entre le dirigeant associatif et le salarié.
Cela implique également de renouveler la délégation de pouvoirs en cas de changement de dirigeant ou de changement de directeur évidemment.
Les parties à la délégation : le délégant et le délégataire
Le délégant est celui qui délègue. Pour cela, il doit tout d’abord disposer des pouvoirs à déléguer (voir qui décide de quoi dans votre association).
En premier lieu, il peut s’agir du représentant légal de l’association, tel qu’il est défini dans les statuts (bien souvent le président mais ce n’est pas une contrainte légale).
Le délégataire est un préposé investi par le délégant.
Pour que la délégation de pouvoir emporte bien transfert de la responsabilité pénale attachée aux pouvoirs délégués, le délégataire doit nécessairement disposer, dans le domaine des pouvoirs qu’il reçoit, de :
- l’autorité (c’est à dire d’un réel pouvoir de décision) et de l’autonomie (d’une indépendance dans la prise de décision), et plus précisément :
- il doit être en mesure d’exercer la mission confiée sans en référer au délégant : il peut prendre les décisions seul, sans demander l’accord préalable du délégant.
- il peut faire cesser tout manquement dans les limites des pouvoirs dont il dispose, là encore de manière indépendante et autonome.
- lorsque les pouvoirs impliquent un pouvoir sur le personnel salarié, le délégataire doit être titulaire d’une partie du pouvoir disciplinaire et doit pouvoir sanctionner un salarié, là encore sans l’autorisation préalable de délégant.
- de compétences :
- le délégataire doit être une personne qui dispose des connaissances techniques dans le ou les domaines qui lui ont été délégués, pour pouvoir prendre ses décisions en connaissance de cause.
- le délégant doit s’assurer que le délégataire bénéficie d’une formation initiale et de formations complémentaires pour acquérir les compétences qu’il n’aurait pas suffisamment ou maintenir ses compétences à un niveau satisfaisant pour l’exercice des pouvoirs délégués.
- le délégataire doit justifier d’une expérience professionnelle qui garantit qu’il sera à la mesure des pouvoirs délégués.
- le délégataire doit disposer des qualifications correspond aux pouvoirs délégués (un niveau de diplôme suffisant par exemple) et doit bénéficier d’une rémunération correspondant à ses responsabilités (dans la limite des capacités de l’association).
- des moyens nécessaires :
- le délégataire doit avoir à sa disposition des moyens humains, matériels, financiers et techniques nécessaires à l’exercice de ses pouvoirs.
- le délégataire doit pouvoir engager les dépenses nécessaires à la mise en œuvre des pouvoirs qu’il a reçus, sans l’accord préalable du délégant. A titre d’exemple, s’il est chargé de la mise aux normes de l’établissement géré par l’association, il doit pouvoir faire appel à des salariés ou prestataires et pouvoir engager les dépenses nécessaires, y compris l’achat du matériel adapté.
Mettre en place une délégation de pouvoirs en 4 étapes
Pour mettre en place dans votre association les délégations de pouvoirs qui répondront aux conditions de validité requises, autrement dit qui emporteront bien, le cas échéant, transfert de la responsabilité qui y est attachée, vous devrez procéder en 4 étapes :
1/ Identifier les besoins et les risques, compte tenu de la situation actuelle au sein de l’association ou de la situation souhaitée.
2/ Définir des objectifs : pourquoi mettre en place une délégation de pouvoirs ? Car il ne s’agit pas de vouloir seulement procéder comme l’association d’à côté.
3/ Mettre en œuvre la délégation :
- qui délègue à qui?
- quoi ? Quels pouvoirs sont à déléguer et quels pouvoirs restent l’apanage du délégant ?
- comment ? Sur ce point, une seule réponse possible : passer par un écrit, à savoir un document contractuel, intitulé « Délégation de pouvoirs », dont le contenu permet de vérifier que l’ensemble des conditions de validité évoquées ci-dessus sont bien remplies.
4/ Suivre les délégations : la signature de la délégation de pouvoirs n’est que le début de l’aventure. Le délégant doit surveiller l’exécution par le délégataire des pouvoirs délégués et le délégataire doit rendre compte de l’exécution de pouvoirs dont il dispose.
Est-ce que tout est clair dans votre structure ?
Pour établir une délégation de pouvoirs, il faut d’abord une répartition claire des pouvoirs entre les instances. En effet, chaque organe ou fonction doit connaitre les pouvoirs attachés à cet organe ou cette fonction avant de pouvoir en déléguer une partie.
Si le président délègue à un directeur salarié le pouvoir de conclure des contrats de prestations sans limite de montant, alors qu’un tel pouvoir appartient en fait au Conseil d’Administration, la délégation de pouvoirs ne sera pas valable et elle ne transfèrera pas la responsabilité attachée au pouvoir délégué. Pire, le président pourrait même être considéré comme ayant outrepassé ses fonctions et engager sa responsabilité vis à vis de l’association !
C’est la raison pour laquelle une délégation de pouvoirs ne peut être mise en place que si, en terme de gouvernance, l’organisation et la répartition des pouvoirs a bien été travaillée et est connue de tous puisque traduite dans les textes statutaires. Sur ce point, nous vous invitons à lire ou relire notre article Qui décide de quoi dans votre association ?.
En outre, pour éviter qu’une délégation de pouvoirs ne soit remise en cause, il est indispensable que le principe même, pour un organe statutaire, de pouvoir déléguer tout ou partie de ses pouvoirs, soit prévu dans les textes statutaires eux-mêmes.
Besoin d’aide ?
Pour cette entreprise longue haleine, vous n’êtes pas seuls !
Selon vos besoins, nous pouvons vous aider à formaliser sur mesure les délégations de pouvoirs au sein de votre association : contactez-nous par e-mail.