Dans un monde idéal, c’est au moment de la création de l’association que les questions de répartition des pouvoirs au sein de l’association devraient être débattues. Faute de temps et souvent d’argent, cela est pourtant rarement le cas. Nous verrons dans cet article comment procéder pour sécuriser les décisions prises et éviter leur remise en cause.
Lorsque le cabinet est sollicité par une association pour un appui juridique en droit du travail, la rédaction d’une convention ou encore la réforme de ses statuts, nous constatons le plus souvent une absence de définition claire de cette répartition des pouvoirs.
Déterminer qui a le pouvoir de prendre quelles décisions, définir le périmètre des mandats de chaque instance ou organe décisionnel dans l’association, en plus de traduire une gouvernance solide, permet de déterminer les responsabilités pouvant être engagées.
Cela permet également de réduire les risques de contestation des décisions prises et de mise en cause de la responsabilité des dirigeants associatifs. Les engagements qui pourraient ainsi se trouver contestés sont par exemple :
- la signature du contrat d’un fournisseur pour un montant exceptionnel au regard des ressources de l’association,
- une action en justice par une personne non mandatée,
- une procédure de licenciement mise en oeuvre irrégulièrement,
- un blocage de l’accès aux comptes bancaires de l’association par la Banque…
Vous pouvez vous épargner pareilles difficultés, en travaillant sur la répartition des pouvoirs au sein de votre association, que ce soit dans vos statuts ou votre règlement intérieur.
Une répartition cohérente des compétences à inscrire dans les statuts ou le règlement intérieur
Pour une bonne organisation de l’association, il est important que chacun sache quel est son rôle. Cela permet également, le cas échéant, de s’assurer que les décisions prises le sont par les organes compétents.
Il faut donc que la répartition des compétences puisse être claire pour tout le monde.
Pour cela, le meilleur moyen est d’inscrire les compétences de chaque instance dans les statuts et/ou règlement intérieur de l’association.
Dans les statuts…
Les statuts constituent le contrat d’association, qui engage à la fois l’association et ses membres.
Les statuts sont déclarés en préfecture et à partir de là opposables aux tiers à l’association, qui peuvent en avoir connaissance.
Des dispositions inscrites dans les statuts, seront donc opposables à la Banque s’agissant des pouvoirs sur les comptes bancaires.
…ou dans le Règlement intérieur ?
Le Règlement intérieur a la même valeur que les statuts entre l’association et ses membres et peut donc prévoir la répartition des pouvoirs entre les instances si vous ne souhaitez pas trop alourdir vos statuts ou si vous souhaitez fixer les règles dans un document qui pourra être plus facilement modifié que les statuts (ce qui est souvent le cas et l’intérêt d’un règlement intérieur).
En revanche, sauf exception (pour les associations reconnues d’utilité publique par exemple), le règlement intérieur n’étant pas déclaré auprès des autorités, il n’est donc pas opposable aux tiers.
Articuler rôle et prise de décisions : se voir confier une tâche ne signifie pas pouvoir décider
Le fait de donner des missions, un rôle à certains bénévoles ne veut pas dire leur confier un pouvoir de décision qui engage l’association. C’est la différence entre une répartition des tâches et une répartition des pouvoirs.
Au sein de l’association, les pouvoirs de décision doivent être répartis entre les instances statutaires, qui peuvent ensuite les déléguer.
Le pouvoir de décider peut également parfois être confondu avec le pouvoir de signer un document, ce qui n’emporte pas les mêmes conséquences sur le plan juridique.
Toutes ces notions s’articulent pour constituer l’organisation de la gouvernance de l’association :
- tout d’abord, la répartition des pouvoirs entre les instances statutaires (qui relève de la gouvernance) : une fois le pouvoir de chaque instance déterminé, il faut le traduire dans les statuts et éventuellement le règlement intérieur. Dans l’idéal, il conviendra de retrouver dans ces textes le triptyque : qui décide, qui exécute et qui contrôle.
- Ensuite, il s’agira de déterminer si les instances compétentes ont besoin de déléguer une partie de leur pouvoir de décision (à une personne en particulier, bénévole ou salarié de l’association) via une délégation de pouvoirs : à prévoir dans un document spécifique.
C’est après cela qu’il convient de mettre en place l’organisation interne au sein de l’association (qui relève du management) pour définir la répartition des tâches (qui fait quoi) entre dirigeants associatifs, bénévoles et salariés de l’association. Cette organisation, par nature évolutive, relève d’une décision d’une instance ou de procédures de gestion interne et n’a selon nous pas sa place dans les textes statutaires.
La source du pouvoir appartient aux instances statutaires bénévoles
Pour pouvoir conserver une gestion désintéressée au sens fiscal, la gestion de l’association doit être bénévole. Cela signifie donc que le pouvoir de décision au sein de l’association est l’affaire des instances statutaires composées de dirigeants bénévoles.
Pour autant, si l’association a embauché des salariés, notamment à une fonction de direction, la personne occupant cette fonction peut avoir un pouvoir de décision, par délégation. Mais dans ce cas, il est important de ne pas oublier le principe de subordination régissant le contrat de travail entre l’employeur et le salarié. Ainsi, par exemple, le directeur général n’est pas l’employeur. C’est l’association, à qui le directeur doit rendre compte de la réalisation de sa mission en exécution de son contrat de travail, qui reste l’employeur.
Répartition des pouvoirs : un travail sur mesure pour coller à vos besoins associatifs
Nous avons vu qu’à défaut de contrainte par la loi, il est nécessaire de définir contractuellement qui fait quoi dans l’association, dans les statuts ou le règlement intérieur : qui prend les décisions, qui les exécute, et qui les contrôle.
Si des statuts existants peuvent vous inspirer dans la rédaction de vos propres statuts, notamment pour les compétences de chaque instance, attention aux mauvais copier/coller.
Pour une répartition cohérente et efficace des pouvoirs au sein de votre association, vous devez adapter la rédaction de vos statuts à la réalité de votre gouvernance et de votre organisation, afin que les clauses correspondent effectivement aux rôles que vous voulez donner à chaque instance de votre association.
Liberté contractuelle pour vos statuts
En dehors de certaines associations, notamment les associations reconnues d’utilité publique, la rédaction de vos statuts est soumise au principe de la liberté contractuelle : chaque association est ainsi libre de définir dans ses statuts le pouvoir de décision de chaque instance/organe et la répartition des pouvoirs au sein de l’association entre les différentes instances ou organes statutaires.
Vous êtes donc libre de fixer une répartition des compétences comme bon vous semble. Ne vous bloquez donc pas sous prétexte que l’association d’à côté fait comme ceci ou comme cela.
C’est le meilleur moyen pour vous doter de clauses statutaires pesantes, qui ne vous correspondront pas et que vous aurez toutes les difficultés à appliquer au quotidien.
Le cas des associations reconnues d’utilité publique
Pour les associations reconnues d’utilité publique, leurs statuts doivent être conformes à des statuts types établis par le Conseil d’Etat.
Dans ces statuts types, que l’on trouve en libre accès sur internet, il est notamment imposé de soumettre à l’approbation de l’assemblée générale les baux excédents neuf années, les emprunts à plus d’un an et les garanties d’emprunt.
Dans une association simple déclarée, d’autant plus si ladite association en question est de taille importante, ces décisions pourraient ne pas relever de l’AG mais plutôt d’un organe de gestion comme le conseil d’administration.
Toujours dans les statuts des associations reconnues d’utilité publique, il doit être inscrit que les délibérations de l’assemblée générale relatives à la constitution d’hypothèques, aux emprunts à plus d’un an et à leurs garanties ne sont valables qu’après approbation du représentant de l’Etat dans le département du siège de l’association.
Or, si vous n’êtes pas reconnue d’utilité publique, une telle contrainte ne doit pas être reprise dans les statuts de votre association puisqu’elle ne s’applique pas aux associations simplement déclarées.
Cas pratique : mise en place d’une répartition des pouvoirs dans une association d’envergure nationale
Le cabinet a accompagné une association issue de la fusion d’associations régionales dans la clarification du rôle de chacun et la formalisation de cette répartition des rôles.
Dans le cadre de l’opération de fusion, des statuts avaient été établis, avec une répartition des pouvoirs entre les différents organes (assemblée générale, conseil d’administration, bureau, président, trésorier et secrétaire) traduites dans les textes statutaires.
Mais cela n’était pas suffisant pour une association issue de la fusion d’une dizaine d’associations, qui avait donc atteint une taille importante et une action répartie sur tout le territoire national.
Afin que le fonctionnement de l’association soit fluide et ne repose pas uniquement sur les dirigeants, pour que l’action associative soit opérationnel sur tout le territoire, y compris localement, tout en sécurisant les prises de décisions, il a fallu organiser les prises de décisions comme la répartition des missions de chacun aux différents niveaux territoriaux d’intervention.
Après réflexions, sur la base des dispositions statutaires en vigueur, il a été décidé la mise en place :
- D’une délégation de pouvoirs du président et du trésorier bénévoles au directeur général salarié de l’association, avec notamment un pouvoir sur la gestion du personnel
- D’une subdélégation de certains pouvoirs du directeur général aux responsables salariés régionaux
- D’une fiche de mission intégrant une délégation de pouvoirs du président aux responsables bénévoles locaux et qui préciser le rôle de responsable local
- D’une fiche de mission intégrant une délégation de pouvoirs du trésorier aux responsables financiers bénévoles locaux et qui préciser le rôle de responsable financier local.
Ceci est un exemple de ce qui peut être mis en place.
Chaque association doit mener une réflexion sur l’organisation qu’elle souhaite mettre en place et qu’il faudra traduire dans les documents juridiques adaptés, dans une perspective de sécurisation juridique des prises de décisions.
Quelle répartition des pouvoirs au sein de votre association ?
Il y a presque autant de répartitions des pouvoirs au sein d’une association qu’il existe d’associations.
Pour autant, on distingue schématiquement 2 catégories de « répartition des pouvoirs » :
La répartition de pouvoirs détaillée
Dans certaines associations, les textes statutaires détaillent avec précision les pouvoirs de décision confiés à chaque organe.
Par exemple, s’agissant des comptes : « le trésorier établit ou faire établir les comptes », « le bureau prépare avec le trésorier le rapport financier », « le conseil d’administration arrête les comptes et l’assemblée générale approuve les comptes ».
On peut alors parler de « mandat spécial ». Les personnes occupant une fonction spécifique peuvent ainsi avoir une vision précise des pouvoirs attachés à leur fonction et donc du périmètre de leur mandat.
La répartition de pouvoirs non détaillée
Dans d’autres associations, au contraire, les pouvoirs ne sont pas spécialement détaillés ; il est plutôt question de grands principes comme par exemple « le conseil d’administration est chargé de l’administration courante de l’association » ; on peut alors parler de « mandat général« .
Cela peut parfois être utile car, le risque d’être trop précis est d’oublier un pouvoir de décision (comme le pouvoir sur les comptes bancaires par exemple) et de se retrouver en difficulté avec la Banque qui demanderait alors une décision spécifique de l’assemblée générale pour permettre ou président ou au trésorier d’ouvrir un compte bancaire.
A défaut de précision dans les textes statutaires sur un pouvoir de décision en particulier, cela peut poser des difficultés, comme on l’explique dans notre article Rien dans les statuts : qui est compétent pour prendre la décision ?.
Chaque méthode a donc ses avantages et ses inconvénients. C’est aux dirigeants de l’association de trouver ce qui sera le plus adapté pour l’association.
La répartition des pouvoirs hybride
Au sein du cabinet, sauf situation particulière au sein d’une association, nous recommandons souvent un mixte entre les deux méthodes présentées, à savoir :
- de déterminer un organe disposant d’un pouvoir « général » par défaut (tout ce qui n’est pas précisé dans les statuts est de la compétence de cet organe de gestion par défaut)
- et d’être explicite pour les pouvoirs des autres instances, en mettant bien en exergue dans les statuts les pouvoirs qui ont des impacts forts sur les tiers et en particulier : la représentation légale, les actions en Justice, la gestion du personnel, les pouvoirs sur les comptes bancaires, les pouvoirs en matière de gestion d’immeubles.
Maintenant que vous savez ce qu’il faut faire, il est temps de faire un point sur la réalité de ce qui se passe dans votre association.
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