Vous souhaiteriez exclure un membre de l’association et vous vous demandez comment procéder ? Suivez notre mode d’emploi.
Exclure un membre n’est pas sans risques
Les relations entre une association et ses membres ne sont pas toujours un long fleuve tranquille : parfois les relations humaines se dégradent jusqu’à ce que le point de rupture soit atteint. La nécessité de mettre un terme à la relation contractuelle entre l’association et ledit membre devient alors une évidence.
Si, dans la précipitation, les dirigeants de l’association formalisent alors plus ou moins maladroitement la rupture, les conséquences peuvent être lourdes pour l’association.
En effet, les juges saisis de tels dossiers sont sévères pour les associations et donnent assez facilement raison au membre exclu dès lors que l’association ne peut pas justifier avoir été irréprochable dans la procédure menée.
Rassurez-vous, nous ne sommes pas en train de vous dire qu’il est impossible d’exclure un membre de votre association. Mais si vous décidez de le faire, mieux vaut connaitre la procédure à suivre car vous devrez être inattaquables.
A défaut, gare à la sanction judiciaire !
Pourquoi prononcer l’exclusion d’un membre ?
Les raisons d’une telle décision sont diverses : le non-respect des statuts ou du règlement intérieur, l’atteinte au patrimoine de l’association, un conflit avec les dirigeants en place, un membre devenu toxique [1] …
Même si nous ne le conseillons pas, les associations souhaitent parfois – en réaction à de mauvaises expériences – mentionner dans leurs statuts ou leur règlement intérieur une liste des situations pouvant conduire à l’exclusion.
Nous déconseillons aux associations de rédiger de telles listes à la Prévert. En effet, il est difficile de tout prévoir à l’avance et un juge pourra considérer la liste comme exhaustive et rejeter tout motif d’exclusion, même justifié, n’y figurant pas. Le juge saisi d’une action en contestation de l’exclusion pourra ainsi annuler la décision.
Notre conseil est d’inscrire dans vos statuts une formule classique : l’exclusion pour « motif grave ». Ce motif est ensuite apprécié par l’organe compétent au sein de l’association pour prendre la décision, sous le contrôle éventuel du juge a posteriori.
Exclusion ou radiation d’un membre, quelle différence ?
L’exclusion est une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un membre de l’association qui lui fait perdre sa qualité de membre de l’association.
Elle se distingue de la « radiation », qui fait aussi perdre la qualité de membre de l’association, et consiste à rayer le membre, de manière plus administrative, de la liste des membres de l’association.
Pour qu’une telle radiation soit prise par l’association de plein droit, elle doit être expressément mentionnée comme telle dans vos statuts.
On trouve habituellement dans les statuts associatifs les motifs de radiation suivants :
- le décès pour une personne physique,
- la dissolution pour une personne morale,
- la perte, par le membre, d’une condition requise pour demeurer membre (par exemple, ne plus être un parent d’élève, ne plus exercer la profession concernée, ne plus habiter le territoire concerné par l’association…),
- ou, cas le plus fréquent, le non-paiement de la cotisation annuelle à l’échéance.
Ce ne sont pas là des motifs disciplinaires subjectifs et cela évite en général toute contestation, si les dispositions des statuts sont respectées.
Pour éviter tout débat entre radiation ou exclusion, mieux vaut que les conditions de perte de la qualité de membre soient inscrites et explicites dans vos statuts.
Et si ce n’est pas le cas, il est peut-être temps de mettre à jour vos statuts.
Comment exclure un membre ? La réponse est dans vos statuts.
Lorsque vous envisagez l’exclusion d’un membre, vous devez respecter une procédure disciplinaire de manière formalisée, en conservant des preuves (écrites) de chacune des étapes.
Les statuts ou le règlement intérieur de l’association traitent habituellement de ce sujet, parfois de manière succincte. Si c’est le cas, attention à respecter scrupuleusement les différentes étapes de la procédure telles qu’elles sont fixées par le contrat d’association.
A titre d’exemples :
- les décisions doivent nécessairement être prises par les organes compétents dans l’association;
- les réunions desdits organes devront être organisées en respectant scrupuleusement les règles prévues par les textes statutaires.
- Si les textes statutaires encadrent la procédure dans certains délais, vous devez veiller au respect de ces délais.
En outre, que cela soit inscrit explicitement dans les textes statutaires ou non, la procédure disciplinaire engagée à l’encontre d’un membre de l’association pouvant aller jusqu’à son exclusion de l’association, devra absolument respecter les principes généraux des droits de la défense pour être valable.
Le respect des droits de la défense
En tant que responsable d’une association, vous avez l’obligation de respecter les droits de la défense quand vous envisagez de prendre des sanctions à l’encontre d’un membre.
En effet, une procédure disciplinaire qui vise à sanctionner une personne s’apparente à un procès et les droits de la défense applicables relèvent du droit fondamental à un procès équitable, au même titre que le principe du contradictoire.
« Nul ne peut être condamné sans avoir été mis en mesure, de se justifier, de discuter des prétentions, des arguments et des preuves de son adversaire » (Arrêt ch. Civile de la Cour de cassation 7 mars 1829 Sirey 1829).
Notez bien que ces principes constitutionnels sont d’ordre public et que vous ne pouvez y déroger dans vos statuts. Dans l’association, les droits de la défense s’imposent donc, même s’ils ne figurent pas explicitement dans les statuts.
Dans une association, les droits de la défense sont les garanties dont bénéficie une personne à l’encontre de laquelle une sanction est envisagée. Ils doivent être respectés tout au long de la procédure disciplinaire pour qu’elle soit valable.
Les règles fondamentales des droits de la défense
Les droits de la défense qui s’imposent à toute procédure disciplinaire en vue d’assurer la protection des intérêts de la personne poursuivie, sont issus du 3 de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH) :
« Tout accusé a droit notamment à :
- être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
- disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
- se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
- interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
- se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »
En pratique, un membre ne pourra pas être exclu de l’association, sans, a minima :
- Etre informé des griefs à son encontre et des conséquences encourues
- Avoir la possibilité d’être entendu dans un délai lui permettant de préparer sa défense
- Recevoir une notification motivée de la sanction prise à son encontre.
Ces droits doivent être garantis préalablement à la prise de décision d’exclusion.
La sanction du non-respect des droits de la défense
Le non-respect des droits de la défense dans le cadre d’une procédure d’exclusion d’un membre de l’association est susceptible d’entraîner la nullité de la sanction prononcée, sans examiner le bien-fondé de la décision elle-même.
Et cette violation des droits de la défense étant souvent considérée par la jurisprudence comme portant préjudice au membre, ce dernier pourra demander à un juge civil des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
C’est la double peine : non seulement vous pourriez vous voir contraints de réintégrer le membre exclu mais aussi de l’indemniser !
Maintenant que le décor est planté, passons au mode d’emploi pour prononcer une exclusion dans le respect des droits de la défense et éviter de la voir contestée en justice.
5 étapes pour une exclusion associative dans le respect des droits de la défense
Étape 1 : la décision d’engager une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’à l’exclusion
Vous avez connaissance de faits pouvant entrainer le prononcé d’une sanction disciplinaire (rappel à l’ordre, pénalité…) voire d’une exclusion.
Tout d’abord, l’organe compétent au regard des statuts devra examiner la situation et les faits reprochés au membre concerné.
Il s’agit ici d’apprécier s’il faut initier la procédure et pas encore juger de la sanction elle-même.
Ainsi, l’organe compétent doit avoir eu connaissance – au préalable – des éléments factuels, avec preuves à charge et à décharge. La procédure doit être initiée dans un délai raisonnable.
Pour cela, nous ne pouvons que vous recommander d’établir une note objective des faits reprochés, et de l’accompagner des éléments de preuve, le tout classé par ordre chronologique.
Au regard des faits, l’organe compétent devra délibérer sur le fait de savoir si cela justifie l’ouverture d’une procédure disciplinaire.
A noter que tant que la procédure d’exclusion n’est pas finalisée, le membre n’est pas suspendu et conserve tous ses droits statutaires.
Étape 2 : la notification de l’ouverture d’une procédure d’exclusion et la convocation à un entretien
Si la délibération aboutit à l’engagement d’une procédure d’exclusion, elle doit être notifiée à l’intéressé.
Cette notification est également l’occasion pour l’organe ou la personne compétente dans l’association de convoquer l’intéressé – de préférence par une lettre recommandée avec avis de réception – à un entretien.
Pour respecter les principes fondamentaux des droits de la défense, il faut nécessairement que la convocation comporte l’énoncé des faits et des actes reprochés au membre ainsi que des conséquences encourues. En effet, celui-ci doit connaitre les faits qui lui sont reprochés pour être mesure de bien préparer sa défense.
Il est possible que l’énoncé des griefs soit porté à la connaissance de l’intéressé postérieurement à la convocation à la condition qu’il dispose d’un délai raisonnable pour préparer sa défense avant la prise de décision de l’organe compétent (et sous réserve que cela n’aille pas à l’encontre des clauses statutaires en vigueur dans l’association sur ce point).
Étape 3 : le droit pour le membre d’être entendu
Le membre concerné doit être invité à s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.
Les statuts peuvent prévoir que les explications seront uniquement écrites mais elles sont le plus fréquemment faites à l’oral, lors d’un entretien devant l’organe compétent.
L’ordre du jour de la réunion de l’organe compétent doit mentionner l’examen du dossier concerné et le prononcé de l’éventuelle sanction.
Étape 4 : le prononcé de la sanction
Les statuts ainsi que le règlement intérieur peuvent prévoir l’organe compétent pour prononcer la sanction. Cela peut être une tâche confiée au Bureau, à l’organe de gestion comme le Conseil d’Administration voire à l’Assemblée Générale.
Il est rare qu’une telle décision soit confiée à une personne seule comme le président par exemple et c’est une bonne chose. Mieux vaut un organe collégial pour prendre une telle sanction.
Dans le silence des statuts, l’exclusion relève de l’assemblée générale, qui est l’organe souverain de l’association [1].
La décision d’exclure ou non le membre devra être prise au regard de l’ensemble des éléments du dossier, et en tenant compte des explications fournies par l’intéressé durant la procédure, après l’avoir entendu.
Elle devra être actée dans un procès-verbal de réunion ; élément qui servira le cas échéant de preuve de la prise de décision.
Étape 5 : la lettre d’exclusion notifiant la décision
Une fois que l’organe compétent a pris sa décision, il doit la notifier au membre par lettre recommandée avec accusé de réception, pour disposer d’une preuve incontestable. Et pensez bien à conserver une copie de votre lettre avant de sceller votre envoi.
Cette notification doit être motivée. N’hésitez pas à préciser la date de prise d’effet de la décision (qui ne peut être antérieure à la notification).
Nous vous invitons également à préciser à l’intéressé – le cas échéant – les conséquences qu’emporte une telle sanction : l’interdiction de s’afficher comme membre, d’utiliser le logo ou autre…
De plus, la notification doit mentionner, le cas échéant, la possibilité d’exercer un recours.
Parfois, les statuts d’une association dans laquelle le conseil d’administration est compétent pour exclure un membre peuvent permettre audit membre d’intenter un recours devant l’Assemblée Générale.
Si c’est le cas, et pour éviter tout débat, nous vous invitons à préciser dans les statuts si ledit recours suspend ou non la prise d’effet de l’exclusion. Cela peut en effet avoir des conséquences importantes – d’autant plus en fonction de la date de l’assemblée générale appelée à se prononcer.
Quels risques pour l’association qui exclut un membre ?
Une exclusion réussie est celle qui garantit les droits de la défense au membre concerné, qui est bien motivée et menée dans le plus scrupuleux respect de la procédure prévue par les textes statutaires en vigueur au sein de l’association.
A défaut, la décision d’exclusion risque la contestation du membre exclu et un juge saisi d’une telle demande de contestation d’exclusion peut en prononcer la nullité. Les parties peuvent alors se retrouver dans la situation antérieure à la décision.
Une nouvelle procédure d’exclusion pourra alors être engagée, sous réserve que cela soit possible au regard des statuts.
Cas particulier de la révocation d’un élu membre du Bureau ou du CA
La révocation du mandat d’un élu membre du bureau (président, vice-président, trésorier, secrétaire…) ou administrateur du CA met fin ses fonctions d’élu associatif mais n’a pas pour effet de lui faire perdre sa qualité de membre.
A contrario, dans la mesure où il faut être membre pour exercer un mandat dans l’association, l’exclusion du membre lui fait perdre ses mandats associatifs.
A noter que la jurisprudence actuelle a tendance à exiger le respect de la même procédure pour une révocation que pour une exclusion, pour éviter les décisions arbitraires.
Gare aux dommages et intérêts pour exclusion abusive !
L’irrégularité de la procédure peut également conduire – et c’est souvent le cas – à l’octroi de dommages et intérêts si l’intéressé arrive à justifier d’un ou plusieurs préjudices.
A ce sujet, les erreurs qui auront pu être commises peuvent coûter cher.
A titre d’exemple, nous avons soutenu une association d’anciens combattants dont des membres exclus avaient saisi le juge et avaient obtenu, en première instance, la nullité de la décision d’exclusion pour non-respect de la procédure, ainsi que l’octroi de plus de 10 000 € de dommages et intérêts… par membre !
Vous aussi, vous trouvez cela excessif ? L’exécution d’une telle décision de justice aurait mis fin à l’association en question qui n’avait pas les moyens de régler cette somme.
Heureusement, l’association a, avec notre aide, interjeté appel de la décision : la cour d’appel a maintenu la décision des juges du fond s’agissant de l’irrégularité de la procédure mais a considérablement réduit les dommages et intérêts dus aux membres exclus.
Quoi qu’il en soit, la vigilance est de mise lors d’une telle procédure d’exclusion car cela peut coûter cher à l’association.
La position de la jurisprudence a évolué concernant la sanction de l’irrégularité d’une exclusion : celle-ci n’encourait que l’octroi de dommages et intérêts à l’intéressé, mais désormais, une réintégration du membre sous astreinte est possible [2].
Cependant, il sera toujours possible pour l’association de prononcer une nouvelle exclusion à condition qu’elle respecte cette fois-ci les droits de la défense et les statuts…
Besoin d’aide ?
Vous rencontrez un problème avec l’un des membres de l’association ? Vous souhaitez être accompagnés dans votre processus d’exclusion ou obtenir un complément d’information ?
Ecrivez-nous par email. Nous vous répondrons dans les meilleurs délais.
Références
[1] Arrêt Cour de cassation chambre commerciale 4 décembre 2019 n°17-31094
[2] Arrêt Cour d’appel de Paris 30 juin 2015 n°13/20222